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Zofia Hertz et Jerzy Giedroyc. Maisons-Laffitte, maison de l'avenue Corneille, juillet 1953. / Sygn. FIL00149
FOT. HENRYK GIEDROYC

Dans l’anneau de fer

MYKOŁA HŁOBENKO


M. Slobojanin[1] Kultura 1950, n° 5

Mémoires, extraits

La ville s'est déplacée vers le nord, s'emparant de ce qui avait été hier champs et espaces vides. Au début de la NEP[2], il n’y avait là que des masures où s’abritaient pour la nuit les vagabonds et les enfants orphelins qui traînaient de jour dans les bazars et les gares de la capitale. Même des miliciens avaient peur de s'aventurer seuls dans ces parages. Maintenant s'y dresse la montagne de béton et de verre du bâtiment de l'Industrie d'Etat. Au milieu des cratères de tchernoziom et d'argile retourné, se dessinent les contours d'une immense place portant le nom de Dzerjinski et affublé du surnom du « plus grand courant d'air soviétique » en raison des puissantes bourrasques de vent, qui soufflent sur Kharkiv. La place n'est pas encore bordée d’immenses gratte-ciel à l'américaine, l’Institut vétérinaire avec ses ailes vieillottes et trapues préservent encore son style de terrain militaire à la Araktcheyev[3]. Les rues se noient pendant un temps encore dans une boue épaisse, mais attireront peu après les « touristes de l’intérieur » avec leur éclairage, leur propreté et le bel asphalte. Et même de vieux édifices sont surélevés de deux, de trois étages. La jeune capitale ukrainienne se sent à l'étroit.

Pourtant la pestilence du plan quinquennal empoisonne déjà l'air. Après quelques années de répit et d’une certaine prospérité, ce fléau apporte la peur et annonce de grands bouleversements. L'offensive sur les villages se met en marche en l’an 1929. Le paysan aisé se rend rapidement compte, avec désespoir, qu'on le tient à la gorge. Alors que la tragédie s’est déjà installée dans les campagnes, la ville ne le réalise toujours pas et vit encore au milieu de la NEP. Mais elle aussi est déjà condamnée.

En 1929, soudainement, les arrestations de l'intelligentsia ukrainienne commencent. La désorientation initiale est vite éclaircie par la presse qui publie des extraits de l'acte d'accusation dans le procès de l'Union pour la libération de l'Ukraine[4]. Il devient évident que des décisions du parti et autres résolutions qui servaient à influencer la culture ne suffisent plus, le Kremlin s'attaque désormais à l’Ukraine réelle qui se situe derrière l’enseigne de la République socialiste soviétique de l’Ukraine. A cette Ukraine qui refuse de vivre vêtue du manteau bolchevique qui recouvre les actions communistes dans le domaine national et culturel. D'autant plus qu'elle ne peut se reconnaître dans la ligne générale du PC(b)U, même si – après d’amères expériences répressives - elle ne se prononce pas contre, bien entendu.

La situation devient claire. Les bolcheviks ont décidé de s’en prendre à la vieille génération de l'intelligentsia ukrainienne, et c’est le procès de l'Union pour la libération de l'Ukraine (Spilka Vyzwolennya Ukrainy) qui devait apporter la solution. Le procès se déroule dans le bâtiment de l'opéra de Kharkiv, rue Rymarska, tout au long du Carême, en 1930. Les syndicats, les organismes soviétiques, les comités d'usine distribuent les billets d’entrée à la grande salle de spectacle. On s'efforce ainsi de la remplir de personnes qui n'ont rien à voir avec les accusés. Aussi, ému par les affaires sensationnelles récentes, le citoyen ordinaire se rend-il à pied, à travers les rues printanières, à l'audience du soir qui se tient dans le bâtiment de l'Opéra académique. Il y observe, assis à droite de la scène, une quarantaine « d’ennemis du peuple », des gens soigneusement habillés, rasés et peignés.

Et voilà que, pendant la pause, l'ancien ministre de la République populaire d'Ukraine, A. Nikovsky[5], se lève et, ignorant la foule de milliers de spectateurs, s'approche de l'écrivaine Loudmyla Starytska-Tcherniakhivska[6], bien connue de l'ancienne génération, il fait un baisemain et s'assied à ses côtés pour bavarder un instant. Plus loin, Serkhiy Yefremov[7] dit quelque chose avec embarras à son voisin ; il est membre de l’Académie et ses articles et la très populaire Histoire de la littérature ukrainienne [éd. 1910, Kiev, Leipzig] a permis, durant les années révolutionnaires, de sauver des milliers d'Ukrainiens de la perte de repères, en leur rappelant les origines de leur nation. Et là, nous voyons Mykhailo Ivtchenko[8] qui prend un verre de thé qu’on lui présente sur un plateau. Il y a peu, son roman Forces ouvrières [éd. 1929] a été accueilli avec enthousiasme par tous les critiques, avant d'être soudainement attaqué avec véhémence pour son attitude « nationaliste intransigeante » sur la question des jeunes cadres de la nouvelle Ukraine.

La séance reprend. Les accusés témoignent. Ils parlent, non pas de leurs actes, mais des conversations, des pensées, des rêves.... Le président du tribunal et les procureurs, même non Ukrainiens, s’expriment en ukrainien. Le russe n'est utilisé que par les avocats de la défense, des avocats moscovites réputés. Le déroulement du procès, retransmis à la radio, est suivi avec attention par des milliers, des millions de personnes. Ils écoutent le procès qui n’augure rien de bon. Derrière le calme apparent se dessine un avenir angoissant. Dans le contexte de ce qui se dit déjà sur la dékoulakisation (la confiscation des biens de la paysannerie plus riche), chaque parole des accusés prend une sonorité tragique.

Ce même printemps, tous les télégraphistes de la poste principale de la capitale sont brusquement renvoyés. Des télégraphistes militaires qui connaissaient l'ukrainien les remplacent pour un temps. Mon ami Ch. a été à cette fin délégué en Ukraine, depuis le Caucase du Sud où stationnait son unité. Les militaires sont plus à même de garder les secrets d’Etat. Ce qui était secret c’étaient les condamnations à mort qu’on envoyait pour signature et les demandes de clémence qu’on renvoyait au président Petrovsky[9] , au Comité exécutif central de l’Ukraine. Ces sentences, dépêchées au quotidien, sont une preuve de la nouvelle vague de répression qui, impitoyable, se déroule dans les cachots, sans spectateurs ni radio, sans interrogatoires publics ni discours des avocats de la défense.

L'atmosphère de ce procès, l'atmosphère générale de ce quinquennat à ces débuts, avec ses slogans « d'industrialisation, de liquidation de la couche de la riche paysannerie et de collectivisation totale » ont fait des ravages dans la littérature.

Dans la vie de Kharkiv, la capitale de la République socialiste soviétique de l’Ukraine de cette époque, les événements littéraires des années 1920 et 1930 ont toujours provoqué une vive réaction. Par quelque caprice de l'histoire, cette ville de steppe, peu poétique, étalée sur les rives de la non moins poétique Lopania encore boueuse, sans sa robe de pierre qu’elle vêtira plus tard, devient le foyer du mouvement romantique, et ceci pour la deuxième fois en l'espace d'un siècle.

Les humbles prédécesseurs de Chevtchenko, qui s’assemblaient autour de l'université fondée par les disciples de Skovoroda[10] sur les rives du fleuve, sur les marais inondés au printemps, vivaient, dans les années 1830 et 1840, le rêve de la gloire fanée du siècle précédent. Ils recueillaient des trésors de la langue populaire à travers les villages de Slobojany [ce qui signifie « région libre »], disséminés dans l’infini des steppes. Les jeunes professeurs et leurs auditeurs parlaient surtout du passé, au cours de ces conférences qui les réunissaient dans l'ancien palais du gouverneur dont le balcon avait autrefois servi à Catherine II de promontoire pour contempler la campagne tout autour. Devant eux, les steppes natales s'animaient d'images du passé, devenues enfin « dignes de la plume de Walter Scott ». L'intelligentsia ukrainienne redécouvrait sa patrie. L'école des romantiques de Kharkiv - nom qui lui sera donné par la suite – s’est regroupée autour de l'université, le renouveau ukrainien du XIXe siècle n'aurait pas été possible sans ce mouvement. Mais ces romantiques n'ont pas eu de chance dans la littérature. L’autocratie russe, la vie au fin fond d’une lointaine province, une lutte impossible contre les influences du Nord soutenues par le pouvoir, tout cela a étouffé leur création. Après avoir transmis leur testament aux successeurs, les voix des romantiques de Kharkiv se sont tues l’une après l’autre. Le rêve était loin de devenir réalité.

Et voilà que de nos jours, sous d'autres formes et attitudes, on assiste à une renaissance inattendue du romantisme. Dans ses romans et ses Croquis bleus impressionnistes, Mykola Khvylovy[11] a ressenti le romantisme non seulement dans la turbulence de la révolution où « les ombres pâles des chevaliers médiévaux errent à travers les bois », mais aussi dans la vie quotidienne qui, pour la plupart de ses contemporains, n'avait rien de romantique.

De quoi te parler ? Te raconter les chants que nos filles entonnent près des tombes de Suédois, quand ces chants ont le goût de betteraves, d’un chagrin aux yeux gris, d’un génial Leontovitch au milieu de la broussaille de mon pays fait de steppes ? Dois-je te décrire le pas traînant des bœufs aux larges cornes qui quittent une ferme à lait ? Faut-il que je tresse pour toi une couronne avec des fleurs à clochettes, avec la chronique des événements : comment a-t-elle grondé, comment est-elle née et passée, la jeune époque ?

Ce descendant inquiet d'une famille noble appauvrie, petit, au teint mat, aux yeux profonds sous des sourcils larges et sombres, est devenu le maître à penser d'une partie de la jeune génération. Même si sa carte du parti repoussait certains, eux aussi se sentaient forcément attirés par sa sincérité, son enthousiasme, sa fraîcheur. Lorsque, dans un audacieux pamphlet, il déclare : « ...les lettres ukrainiennes, quelle littérature mondiale doivent-elles suivre ? En tout cas pas celle de la Russie. C’est un non catégorique, sans réserve », il est soutenu même par ceux qui, jusque-là, se sentaient repoussés par son paletot de l’Armée rouge, son style impressionniste, comme « défait », sa nouvelle phraséologie des temps soviétiques.

Les mots d’ordre de Khvylovy - « A bas Moscou !», « Donnez-nous de l’Europe ! » prononcés dans une forme vive, révolutionnaire qui correspondait si bien à sa posture d’ancien de l’Armée rouge, vêtu d'une blouse bleue - ont agité toute l'Ukraine. A Kharkiv, la fièvre des discussions littéraires s'est emparée des écrivains de tous les bords, des étudiants, des journalistes, des professeurs....

Dans un immeuble de la paisible rue Kaplounivska, dans un appartement occupé autrefois par un vicaire de Soumy et accueillant désormais le Club littéraire portant le nom de Blakytny[12], des discussions dures, passionnées ont lieu. « Vos cartes du parti sur la table ! » criait, lors d'une réunion publique, l'humoriste Ostap Vychnia[13], proche de Khvylovy, que l’on n’a pas encore soumis à la répression, en réponse à la déclaration de l'Union des écrivains prolétariens[14] qu’on avait fondée pour lutter contre les rebelles.

A Kharkiv, en 1927, à l'apogée de la production littéraire des romantiques, est fondée l’Union des écrivains prolétariens, une cinquième colonne dont l’objectif est de ruiner et de disperser le milieu littéraire ukrainien. Cet organisme de fraîche date désigne, comme ses principaux ennemis, les jeunes écrivains parmi les plus talentueux qui apportent à la littérature un contenu ukrainien. Le parti communiste, qui tolère jusque-là une certaine indépendance culturelle en Ukraine pour éviter une nouvelle explosion de ces forces patriotiques qui se sont éveillées entre 1917 et 1920, observe ce processus littéraire avec attention et méfiance. Le groupe rebelle se compose de M. Khvylyovy, M. Yalovy[15], M. Koulich, M. Johansen[16], O. Slisarenko[17], A. Loubchenko regroupés au sein de WAPLITE (Académie indépendante de littérature prolétarienne) qui, après sa liquidation forcée, se transforme en « Foire littéraire » et, plus tard encore, en « Prolitfront »[18]. A Kiev, un groupe de néo-classiques, dirigé par M. Zerov et M. Rylsky, ainsi que les écrivains réunis dans « Lanka »[19] regroupe V. Pidmokhylny, Y. Płoujnyk, M. Ivtchenko, B. Antonenko-Davydovytch, D. Falkivsky et H. Kosynka[20].

La tristement célèbre Union ukrainienne des écrivains prolétariens (WUSPP) regroupait des écrivains dont la production était de valeur littéraire variable. Elle a accueilli quelques écrivains plus âgés qui, pour telle ou telle raison, ne se retrouvaient pas dans d’autres organisations à caractère plus net, mais surtout des jeunes carriéristes du parti, rarement talentueux... Presque tous reconnaissaient tacitement la supériorité littéraire de ceux contre qui on leur avait ordonné de se battre. Mais, à l’instigation du parti, ils manifestaient leur suspicion à l'égard de Khvylovy, lorsqu’il a été contraint d’avouer de « s’être trompé » de voie. Les témoins et les participants de la vie littéraire de cette époque saisissaient parfaitement – c’était pour eux une évidence - les motivations de « l’aveu » forcé de Khvylovy. Cet acte de contrition était nécessaire, il constituait de fait une armure et une assurance qu’on employait, même quand elles étaient obtenues sous contrainte, tant que leur efficacité tenait encore. Seules les personnes qui ont vécu et travaillé à Kharkiv à l’époque peuvent comprendre cette situation. Rien du respect et de l'affection dont jouissait Khvylovy dans son entourage n’avait disparu.

Chacun dans cette bande de romantiques avait son propre style et sa façon d'être qui le distinguaient de la grisaille soviétique quotidienne. Le petit groupe WAPLITE, transformé plus tard en « Prolitfront », n’avait rien de soviétique dans son organisation, pas de formes rigides, pas d'incessantes réunions, conférences et sessions plénières... Les gens étaient unis par des liens d’affection et la passion pour la cause commune. Ils savaient trouver, dans la réalité environnante, des éléments intimement liés au tragique de l’époque, inaccessibles à ceux qui regardaient la vie à travers le soviétisme. Les romantiques aimaient la nature qu’ils percevaient avec une sensibilité rare. A titre d’exemple, Khvylovy et ses amis étaient des passionnés de la chasse. Leurs tirs réveillaient souvent à l’aube les environs de Vorskla, Donets et Oskol. Personne avant Khvylovy et Johansen n’a été aussi sensible à la beauté des paysages de la Slobojany.... Il y avait un romantisme authentique, une affection sincère et un travail acharné pour la traduire dans l'expression artistique.

Malgré un emploi du temps chargé, ils trouvaient du temps pour les traductions et le travail éditorial. Oleksa Slisarenko était l’inspirateur de l’orientation de l’imposante maison d’édition Knylkhospilka[21]. Pour débattre des nouveaux projets d'édition, les « khvyloviens » se réunissaient généralement dans le bureau d'Arkady Loubtchenko. Les écrivains de cette génération faisaient aussi des efforts pour transmettre leur passion des chefs-d'œuvre de la littérature occidentale au lecteur ukrainien qui ne pouvait les lire que dans des traductions russes. V. Pidmokhylny a travaillé des années durant à des traductions de prosateurs français des XVIIIe et XIXe siècles ; les traductions de Zerov et Bourgkhard sont abondantes et variées ; Rylovsky traduit des classiques français, du polonais Mickiewicz et du russe Pouchkine. A Kharkiv, Loubchenko travaille sur la littérature française ; Mayk Johansen, un Allemand balte d’origine, philologue et polyglotte, déploie d’immenses efforts pour produire des traductions de l'allemand et surtout de l'anglais.  Dans sa série d'études sur la théorie de la nouvelle moderne, il combat Ivan Tourgueniev, l’ancienne divinité de plusieurs générations de l'intelligentsia russe, et il le fait d'une manière si passionnée qu'elle en est parfois presque comique. Je le vois encore - grand, maigre, horripilé et agité comme un bourdon – il est assis sur une table, dans un des bureaux de la rédaction, et il récite de mémoire, avec un sourire sardonique, les Poèmes en prose de son « adversaire ». Brillant, rapide, il épatait l'ancienne génération et les orthodoxes bolchevique tant par ses vêtements de sport, sa passion pour la technique littéraire et son amour de l'expérimentation en littérature. Les romans et les reportages de Johansen, publiés peu avant son arrestation en 1937[22], n'ont pu passer à l'étranger et ont été confisqués dans son pays, comme à l’accoutumée. Dans son roman autobiographique, Yougourta, acerbe, parfois injuste, il traite sans ménagement le milieu des professeurs de Kharkiv, dont il est lui-même issu, en dressant une série de portraits vivants et facilement déchiffrables. Mais la censure n'a pas autorisé l'impression du roman, accusant l'auteur de ne pas avoir su dépeindre « l'existence d'un prolétariat révolutionnaire » dans le Kharkiv des années 1910.

L'historien de la littérature ukrainienne ne connaîtra jamais les témoignages des débats des « khvyloviens » lors de leurs parties de chasse où se réunissaient Khvylovy, Dosvitny[23], Johansen et Vychnia de cette époque.

Koulich, Khvylovy ou Yalovy portaient - avant de mourir - des habits qui rappelaient l’époque de troubles et de révolutions, ce qui les distinguait clairement de leurs amis vêtus « à l’européenne », Loubtchenko et Slisarenko, disparaissant ainsi par cet hommage rendu au goût du temps, dans les foules des membres du parti. Ils s’en différenciaient toutefois par l'absence totale de ce « copinage outrancier », propre au milieu artistique de ces années-là. Personne ne tutoyait Khvylovy... Une foule d'adversaires et d'ennemis nourrissait à son égard des sentiments particuliers, souvent masqués. Un certain K., un rouquin au visage marqué par la petite variole, l’un des principaux dirigeants de l’Union des écrivains prolétaires, qui a toujours défendu avec virulence la « ligne du parti », répétait : « euh oui, ce Mykola, vous le savez vous-mêmes, est un vrai ... », et il ne terminait jamais sa phrase. Dans ces attitudes, la différence entre les vrais écrivains et les fonctionnaires littéraires du parti se lisait forcément.

Chaque nouveau numéro de « Prolitfront », l'organe principal du groupe de Khvylovy, suscitait une attention méfiante, encore plus grande que précédemment WAPLITE ou la « Foire littéraire ». Chaque première du théâtre Berezil, proche de ce groupe, dirigé par l'incomparable L. Kourbas attirait le même intérêt menaçant du parti. Ecumant de rage, les critiques officiels commentaient les pièces de théâtre de Mykola Koulich. Alors que son dernier drame, le plus audacieux, la Sonate pathétique, a été joué à Moscou et à Leningrad, la scène ukrainienne ne l'a pas accueilli. Koulich, petit de taille, toujours calme, est devenu l'objet de tant de tirs ennemis que l'on ne comprenait pas comment il pouvait y résister. Mais les artistes savaient l’apprécier à sa juste valeur. Je me souviens d'une conversation que j'ai eue en 1934 avec une célèbre actrice de Leningrad qui m'a dit à quel point Koulich était respecté grâce à sa seule Sonate pathétique. Les acteurs de Leningrad étaient heureux, enchantés d'avoir découvert avec le personnage humble et modeste de Koulich un artiste de cette profondeur.

Mais déjà on allait tirer de nouvelles salves sur les œuvres les plus remarquables. Même avant, les critiques officielles de l’Union des écrivains prolétaires avaient littéralement dénoncé la Ville de Pidmokhylny, la Mort d'Antonenko-Davydovytch et les Forces ouvrières d'Ivtchenko, tout comme les Valdnchepy de Khvylovy.

Chaque nouveau numéro de « Prolitfront » se trouvait désormais sous le feu des critiques. Pendant toute une année, les critiques n'ont pu se calmer après la parution des Quatre épées de de Yanovski. On exigeait des écrivains qu'ils se mettent immédiatement à décrire les « réussites » de la collectivisation. On a aussi attaqué les futuristes et Mykola Bajan[24].

On n’a pas non plus laissé en paix le communiste Volodymyr Sosioura[25]. Impulsif, caractériel, il surprenait de plus en plus par ses actions et son franc-parler naïf. Dans son poème Deux Volodymyr (1930), Sosiura déclare que cohabitent en lui un « communiste et un fasciste rouge », ce qui a provoqué une longue traque contre lui. Quelques mois plus tard, Sosioura publie un volume de poèmes Cœur qui suscite un scandale, où il déclare que les critiques officiels, tels que Kovalenko[26] et Koriak[27], le dénoncent pour les raisons qu’il définit ainsi.

Vers l'Eden communiste il chemine ;

Non pas esclave dans l’âme,

Ce que douleur et joie font toujours

pulser sa vie ; ce n’est pas

un vil courant d’air qui le vit naître.  

 

De la part d’un mineur de métier, un ancien de l’Armée rouge, communiste et membre du groupe littéraire soutenu par le parti, c'en était trop. La « protection » officielle l'a conduit à une maladie nerveuse au début des années 1930. Tout comme dans son recueil confisqué Cœur, Sosioura se met à parler à ses amis, les larmes aux yeux, des poètes incompris par leurs contemporains, du sort de Byron, de Chevtchenko, de Franko...

Ce n'est qu'après plusieurs mois de traitement que Sosioura s'est rétabli et il a finalement pris ce triste chemin qui le conduirait au jubilé de l'année dernière, célébré avec pompe à Kiev.

L’Union ukrainienne des écrivains prolétariens devient de plus en plus active, et ceci pour tenter de justifier la confiance que le parti lui accorde. Ses liens avec le siège moscovite (L’Union soviétique des écrivains prolétariens) se resserrent. Parmi les groupes littéraires ukrainiens, seule l'organisation du Komsomol, « Molodniak », dont sera issu le dramaturge officiel, Korniytchouk[28], appartient encore à l’organisation moscovite. D’autres groupes qui ne veulent pas la rejoindre sont soupçonnés de nationalisme dissimulé. Même clairement prolétaires, ces groupes ont vite compris que l'amitié avec les écrivains moscovites était une affaire douteuse. En été 1930, les membres de l’Union ukrainienne des écrivains prolétaires, de retour de la session plénière de Moscou, arrivent avec un poème d’un petit « rimeur » officiel, Demian Biedny[29], ses vers illustrent avec clarté le programme que Staline vient de proclamer, celui de fonder une culture « de forme nationale et de contenu socialiste ».

Un jour, j'ai entendu le parler ukrainien

et vous avoue avec franchise

que mon cœur s’est empli de dégoût,

aux sons biscornus de cette langue.

Même un critique prolétarien aussi orthodoxe que V. Koriak souriait de travers, en relatant la « performance » de Demian Biedny.

* * *

L'anneau de fer encerclant la littérature ukrainienne commence donc à se resserrer. Elle doit « s'internationaliser » à tout prix. Pour ce faire, l’Union ukrainienne des écrivains prolétariens reçoit l'ordre de préparer la tenue d’un événement de marque : le deuxième Congrès international des écrivains révolutionnaires.

En novembre 1930, pas loin des « festivités de l’Octobre rouge », le théâtre Berezil accueille la cérémonie d'ouverture du congrès. Les flashs de photographes crépitent, il y a un flot de discours et de salutations. Le Congrès est solennellement ouvert par le Président du Conseil des commissaires du peuple en Ukraine, V. Tchoubar[30], que l’on va tuer peu après.

Bruno Jasieński [31] répond au nom des invités étrangers en prononçant un discours en russe. Au Congrès, il est le héros du jour et la plus récente conquête. Il ne s'attendait pas sans doute que, après une ascension aussi fulgurante dans cet Olympe prolétarien, il en tombe encore plus rapidement avec une accusation pour espionnage.

Les maisons d'édition officielles ont fait une large publicité de son roman Je brûle Paris, paru en plusieurs langues et considéré comme l'une des perles de la littérature prolétarienne. Pourtant, il était toujours impossible de définir les contours de cette dernière. A peine publiait-on un article, à peine portait-on aux nues un nouvel allié qu'il fallait déjà se retirer : après avoir goûté à la mangeaille bourgeoise, l'allié s'avérait peu sûr, perdait son auréole prolétarienne, et il fallait au plus vite le jeter dans la boue. Comme on le sait, peu de temps avant, c’est Panait Istrati[32] qui est devenu l'une des plus grandes déceptions. Mais Bruno Jasieński, expulsé de Paris, représentait là les lettres « prolétariennes » polonaises et françaises. En revanche Henri Barbusse[33], toujours très attendu, n’est pas venu pour cause de maladie ; quant au délicat Louis Aragon[34], il est arrivé en compagnie d'une dame fort extravagante et il était loin de l'idéal d’un prolétarien à cent pour cent.

A partir du deuxième jour, les réunions se tenaient dans un bâtiment qui porte le nom de l’homme de lettres Blakytny. On ne pouvait y accéder qu'avec un laissez-passer. Deux fois par jour, un bus d’Intourist rempli d’invités s'arrêtait devant le bâtiment que la pénombre de novembre enveloppait. Les délégués du Congrès vivaient dans l'hôtel d’Intourist, et ce traitement spécial ne les empêchait pas de ressentir la crise alimentaire qui, conséquence de « l'industrialisation et de la collectivisation », avait subitement frappé l’un des pays les plus riches en céréales au monde. Le club du Congrès grouillait de traducteurs et de sténographes envoyés de Moscou par le comité exécutif du Comintern et spécialement entrainés pour « servir », le plus largement possible, les invités étrangers.

A l'extérieur, les présidents de séance donnaient le ton en annonçant l'ordre du jour en plusieurs langues : Ivan Mykytenko[35], l’ambitieux et corpulent secrétaire de l’Union ukrainienne des écrivains prolétariens, qui a été précipité du haut de cet Olympe probablement en même temps que Bruno Jasieński ; Johannes Becher[36], calme et satisfait de lui-même, toujours en uniforme militaire, qui apprenait tout juste son rôle ; Bruno Jasieński, chauve et bien habillé ; et tous les émigrés hongrois, le grave et sombre Béla Illés[37], l’auteur du Tisa en flammes, ou  Anatoly Hidas à la chevelure crépue[38]. Parfois, ce rôle tenait Máté Zalka[39], un blondinet trapu et jovial en uniforme de commandant de division. Ancien officier hongrois de cavalerie, il s’est retrouvé dans un camp de prisonniers de guerre en Sibérie, puis le torrent trouble de la révolution bolchevique l’a emporté, il a gravi les échelons en devenant commandant de division rouge sur le front de batailles contre Koltchak, et l’on a récompensé avec un grade de général. Pendant les années de la NEP, il a publié plusieurs nouvelles d'une douteuse qualité, puis on l’a officiellement reconnu comme « une des étoiles » montantes de la littérature prolétarienne que l'on s’efforçait de créer de toute urgence. De nature énergique, Zalka assistait invariablement à tous les congrès et conventions, devenant une figure populaire parmi les écrivains « prolétariens ». Les années de violentes « purges » n’étaient pas propices à ses activités. Après la publication d'un roman très primitif, Le village au-delà du brouillard, consacré à la collectivisation en Sibérie occidentale, il a écrit et publié très peu. Pendant la guerre civile espagnole, Máté Zalka s’est fait tuer par une balle perdue alors qu'il se rendait en voiture à sa brigade ; il s'appelait alors le général Lukács.

Dans le Club des écrivains, on s’activait. Les sténographes entraînées par le Comintern faisaient avec énergie grincer leurs machines à écrire, les photographes couraient dans tous les sens, leurs flashs crépitaient. Mais tout était ennui, longueur. Seuls deux discours ont retenu l'attention du public : celui du commissaire du peuple à l'éducation, Mykola Skrypnyk[40], et celui du Moscovite Leopold Averbakh[41]. Les autres se sont limités à de courtes déclarations schématiques ou à une admiration naïve qui suscitaient des moqueries bien dissimulées du public. Ce festin officiel était suivi avec ironie par les écrivains ukrainiens qui jetaient parfois un coup d'œil, chacun dans son club. Ils connaissaient parfaitement les coulisses de cette cérémonie.

Dans l’assemblée hétéroclite de participants, se distinguaient Ludwig Renn[42], un homme sec, sanguinaire, engoncé dans son uniforme de militaire venu droit du front, l'infantile Franz Weiskopf[43], naïf, enchanté par l’images de tous ces « village à la Potemkine », un Américain Mike Gold[44], rédacteur en chef des New Masses. Dans la foule, on remarquait l’élégante silhouette d'Ernst Glaeser[45] qui, semblait-il, observait l’ensemble avec scepticisme, ne cherchant à entrer en contact avec personne ; ses livres venaient de paraître en ukrainien, traduits par Youri Yanovsky. On constatait au premier coup d'œil que Glaeser se trouvait sur « une terre inconnue ». Un seul regard suffisait aussi pour dire que la présence de quelques écrivains authentiques venus de l’Occident n'était qu'un malentendu. Le gros des rangs se composait de gens pour qui la littérature était une histoire secondaire : des fonctionnaires communistes de la « Linkskurve » allemande, parfaitement à l’aise dans ce milieu, des employés énigmatiques et fidèles payés par le Comintern comme le groupe hongrois, comme le maussade Italien Germanetto[46] connu pour son apport à la Gazette littéraire de Moscou, comme le « représentant de la littérature révolutionnaire chinoise », un étudiant moscovite, Emi-Siao[47], et enfin le Bulgare Bokalov. Ce dernier, je l'ai un jour abordé en privé pour lui poser des questions sur les affaires culturelles bulgares. Il a évité ma question, me répondant sans ambages qu'il vivait à Moscou depuis de nombreuses années déjà.

Au cours de l'une des rébarbatives sessions du matin, on annonça en trois langues « Le représentant des écrivains révolutionnaires brésiliens, camarade Salvador Borges, prendra la parole en portugais ! »

Un homme brun bien habillé, aux grands yeux tristes, est apparu à la tribune. Il a lu à la hâte un bref discours tissé de généralités. Une interprète du Comintern aux cheveux teints et aux grosses lunettes l’a traduit. Le public a applaudi, comme il se doit. Je ne sais pas pourquoi cela m’est resté dans la mémoire : peut-être pour cause du Brésil et de la langue portugaise. Trois mois plus tard, alors que je descendais la rue Soumska par une glaciale journée de février, j'ai aperçu la silhouette familière de l'écrivain. Le Brésilien marchait d'un pas pressé, paralysé de froid. Il avait l'air malheureux, portait une veste en cuir[48], devenue un anachronisme pour tout le monde, sauf pour les chauffeurs de métier. Le lendemain, j'ai revu le Brésilien gelé dans le bâtiment de la maison d'édition nationale. « Borges est resté ici après le congrès ?  - demandai-je à un écrivain juif talentueux. « Oh, quel malheur avec ce Borges ! répondit-il. On m’oblige à traduire ses gribouillis pour un petit hebdomadaire. - Et pourquoi vous ? – C’est qu’il n’écrit, fort mal, qu’en juif. Il est né à Berdytchev, a brièvement vécu au Brésil. Voilà l’histoire... » - mon interlocuteur, goguenard, me lança un regard perspicace à travers ses lunettes.

C'est en cette compagnie que Louis Aragon et Ludwig Renn se sont retrouvés au Congrès de 1930.

Comme d'habitude, les écrivains « prolétariens » moscovites (les autres villes n'étaient pas représentées) se sentaient parfaitement à l’aise au Congrès, et parmi eux A. Fadeyev[49], Bezymiensky[50], Serafimovitch[51], Panferov[52], Tchumandrin et d'autres.

Mais c’est Leopold Averbakh qui a été le véritable maître de cérémonie. Tout petit de taille, complètement chauve, agité et sûr de lui, ce « leader » du groupe extrême RAPP, ne s'attendait sûrement pas à perdre bientôt toute son influence. Son discours de trois heures, prononcé à la vitesse d'une mitraillette, a donné à la littérature prolétarienne son « orientation ».

D'autres écrivains prolétariens, ainsi que des dissidents attaqués, écoutaient avec attention ces critiques violentes contre toute personne qui adopte une position différente, ces menaces contre le « nationalisme bourgeois » et ces savants conseils accordés au public par le chef du Bureau international de la littérature révolutionnaire. Ces étrangers qui se tenaient au balcon, parmi les spectateurs, écoutaient avec sérénité les allusions et les accusations directes. C'est pour les combattre que le Congrès de Kharkiv a été convoqué. Au Congrès de la littérature révolutionnaire dans la capitale de l'Ukraine soviétique, ces étrangers n’étaient autres que les écrivains ukrainiens les plus talentueux de leur génération...

 

 

[Sauf indication, les notes proviennent de l’anthologie : Zamiłowanie do spraw beznadziejnych. Ukraina w „Kulturze” 1947-2000 [La passion pour les causes désespérées. L’Ukraine dans Kultura] sous la rédaction de Bogumiła Berdychowska, éd. Institut Littéraire et Institut du Livre (Pologne), 2016]

 

[1] M. Slobojanin (pseudonyme de Mykola Kllobenko, Mykola Okhloblyn, 1902-1957) : homme de lettres, rédacteur, pédagogue ; pendant l'occupation allemande, rédacteur en chef de Novaïa Ukraina à Kharkiv ; après la guerre, notamment dans la rédaction de l'Encyclopédie des études ukrainiennes.

[2] Nouvelle politique économique (la NEP), la doctrine de la politique économique de la Russie soviétique entre 1921 et 1929 : l'abandon de l’économie du communisme de guerre et l'introduction de mécanismes de marché ce qui a permis une certaine reprise et l’évitement des famines.

[3] Aleksei Arakcheyev (1769-1834) : général de l'armée de l'Empire de toutes les Russie et ministre de la guerre.

 

[4] L'Union pour la libération de l'Ukraine : une organisation fictive « de caractère nationaliste et contre-révolutionnaire », la mystification du Guépéou de l’Ukraine soviétique. L’adhésion à cet organisme a servi de base aux arrestations massives de la « vieille intelligentsia ukrainienne », entre 1929 et 1930, au spectaculaire procès de Kharkiv entre mars et avril 1930, à la répression de masse des chercheurs et des étudiants. Les principaux accusés dans ce procès étaient Serkhiy Yefremov, Andriy Nikovsky, Volodymyr Tchekhivsky, Loudmyla Starytska-Tchernikhivska, Mykhailo Slabtchenko et Volodymyr Dourdakivsky. 45 personnes ont été accusées et condamnées, sur le total de 700 arrêtées. Tous les accusés ont été réhabilités en 1989.

 

[5] Andriy Nikovsky (A. Vasylenko) (1885-1942), historien et journaliste, activiste social et politique ; membre de la Société des progressistes et du Parti social-fédéraliste ukrainien. Dans les années 1910, rédacteur en chef du journal Rada, puis de Nowa Rada ; en 1918, premier président de l'Union nationale ukrainienne ; à partir de 1920, ministre des affaires étrangères du gouvernement ukrainien en exil. De retour en Ukraine, en 1924 ; en 1930, accusé dans le procès de l'Union, condamné à 8 ans de prison où il est mort.

[6] Loudmyla Starytska-Tcherniakhivska (1868-1941) : écrivain, traductrice, activiste sociale. Entre 1888 et 1893, membre du groupe littéraire la « Pléiade ». En 1917, membre du Conseil central ; en 1919, cofondatrice du Conseil national des femmes ukrainiennes à Kamenetz Podolsky ; en 1929, arrêtée et accusée d'être membre de l’Union ; condamnée à 5 ans de prison, libérée après 5 mois ; exécutée par des agents du NKVD à la fin du mois de juillet 1941.

[7] Serkhiy Yefremov (1876-1939) : historien de la littérature et critique littéraire, activiste politique. En 1904, cofondateur du Parti radical ukrainien ; en 1908, cofondateur de la Société des progressistes ukrainiens (TUP). Arrêté à plusieurs reprises par les autorités tsaristes pour avoir prononcé des discours en faveur de la culture ukrainienne et des libertés politiques pendant la période prérévolutionnaire, en mars 1917, il devient membre du Conseil central ukrainien, de juin à juillet 1917, il est secrétaire général pour les affaires internationales au sein du nouveau gouvernement ukrainien. A partir de septembre 1917, il est président du parti social-fédéraliste ukrainien. Après la prise de Kiev par les bolcheviks, il se cache de la Tchéka ; en 1921, à la demande de l'Académie ukrainienne des sciences, il est amnistié. En 1922, il devient vice-président de l'Académie des sciences de l'Ukraine, mais il est démis de ses fonctions à l'Académie, en 1928. Il est arrêté en 1929 ; en 1930, il est le principal accusé lors du procès-fleuve de l'Union. Condamné à dix ans de prison, il purge d'abord sa peine en isolement à Vladimir-sur-Klazma, puis à Yaroslavl où il meurt.

[8] Mykhailo Ivtchenko (1890-1939) : écrivain ; en 1930, accusé dans le procès de l’Union. Acquitté, il quitte l’Ukraine en 1936.

[9] Hryhoriy Petrovsky (1878-1958) : homme politique ukrainien-soviétique ; entre 1919 et 1939 président du Comité exécutif central ukrainien du parti.

[10] Hryhoriy Skovoroda (1722-1794) : poète, philosophe et compositeur ukrainien.

 

[11] Mykola Khvylovy (Nikolai Fitilov) (1893-1933) : écrivain ; figure emblématique du communisme dans sa version nationale des années 1920 ; fondateur du groupe WAPLITE ; il s'est suicidé.

 

[12] Vasyl Elan-Blakytny (1894-1925) : poète et activiste politique ukrainien-soviétique, représentant du communisme national ; en 1918, l'un des fondateurs du Parti communiste ukrainien (borotbistes) ; en 1920 : membre du KP(b)U.

[13] Ostap Vychnia (Pavlo Kkoubenko), (1889-1956) : écrivain ; membre du groupe littéraire « Prolitfront » ; entre 1933 et 1943 en déportation.

[14] L’Union des écrivains prolétariens : une organisation littéraire fondée en 1927, à Kharkiv, dont l’activité a pris fin en 1932, qui a joué un rôle négatif pour le développement de la culture ukrainienne.

[15] Mykhailo Yalovy (Julian Spol) (189? - 1933) : homme de lettres, ami proche de Mykola Khvylovy ; membre du groupe littéraire WAPLITE. Il est arrêté et fusillé au début de 1933.

[16] Majk Johansen (Mykhailo Vecelius) (1895 - 1937) : homme de lettre et traducteur ukrainien ; l'un des cofondateurs de WAPLITE. Il est arrêté et fusillé en 1937.

[17] Oleksa Slisarenko (1891-1937) : homme de lettre ukrainien, rédacteur. En 1930, procureur général dans le procès de l'Union pour la libération de l'Ukraine. Arrêté en 1934 ; un an plus tard, condamné à 10 ans de Goulag (Solovki) où il est fusillé le 3 novembre 1937.

[18] Prolitfront (Le front prolétaire de littérature) : groupe créé à Kharkiv par Mykola Khvylovy et les anciens de Walipte, existe d'avril 1930 à janvier 1931, puis dissous. C’est la dernière tentative de créer une organisation littéraire indépendante.

[19] Lanka, puis Mars (Atelier de la parole révolutionnaire) : organisation littéraire créée en 1924 à Kiev qui rassemblait des écrivains talentueux, dont Boris Antonenko-Davydovytch, Mykhailo Ivtchenko, Khryhoriy Kosynko, Theodosiy Osmatchko, Valerian Pidmokhylny, Yevhen Płoujnyk, Yakiv Savtchenko. Ces écrivains collaborent avec le périodique Jyttia ji Revolyutsiya [Vie et révolution]. Le groupe été liquidé en 1929, Kosynka, Pidmokhylny, Płoujnyk et Savcthenko ont été assassinés.

[20] Valerian Pidmokhylny (1901-1937) : écrivain et traducteur ukrainien ; membre du groupe littéraire Mars. Arrêté en 1934, accusé d'appartenir à des organisations terroristes fictives ; il n'a pas avoué, reconnu coupable et condamné au Goulag à Solovki, il y a été exécuté.

Yevkhen Płoujnyk (1898-1936) : poète et dramaturge ukrainien ; membre du groupe littéraire Mars ; arrêté en 1934 et exilé au Goulag de Solovki où il meurt.

Boris Antonenko-Davydovytch (1899-1984) : écrivain ukrainien ; entre 1935 et 1957 au Goulag puis en déportation. A son retour en Ukraine, l'un des écrivains de la génération des années 1960.

Dmytro Falkivsky (Levtchouk), (1898-1934) : poète ukrainien, membre du groupe littéraire Mars. En 1934, il est arrêté et fusillé.

Hryhoriy Kosynka (1899-1934) - écrivain ukrainien, membre des groupes littéraires Grono et Mars ; arrêté et exécuté en 1934.

 

[21] Maison d'édition et réseau de distribution qui a existé à Kiev entre 1918 et 1920, fondés par M. Stasiouk, qui éditait de la littérature, des sciences humaines et naturelles, des manuels scolaires…  Fermée par les autorités bolcheviques, l’édition reprend ses activités en 1923, avec un centre à Kharkiv et des succursales à Kiev et Odessa. Liquidée en 1931.

[22] M. Johansen, Djan ta i inchi opovidannia, Kharkiv 1937.

[23] Oles Dosvitny (1891- ?) : écrivain ukrainien, l'un des plus proches collaborateurs de Mykola Khvylovy ; membre de WAPLITE ; exclu du parti communiste en raison de ses « penchants nationalistes ». Déporté dans les années 1930, où il meurt.

[24] Mykola Bajan (1904-1983) : poète, traducteur, activiste social ; membre de l'Académie des sciences de l'URSS en 1951 ; rédacteur en chef de l'Encyclopédie soviétique ukrainienne.

[25] Volodymyr Sosioura (1898-1965) : poète ukrainien ; participant à la lutte pour l'indépendance de l'Ukraine de 1917 à 1921, officier dans l'armée ukrainienne, puis dans l'Armée rouge.

[26] Boris Kovalenko : critique littéraire ukraino-soviétique, organisateur et idéologue de l'organisation littéraire « Molodniak » du Komsomol ; subi des répressions au milieu des années 1930.

[27] Volodymyr Koriak (1889 - ?) : homme littéraire ukraino-soviétique ; dans un débat littéraire qui a eu lieu entre 1925 - 1927, il s'est élevé contre Mykola Khvylovy ; auteur d'ouvrages marxistes simplistes sur la littérature. Arrêté en 1939 comme « nationaliste, trotskiste et ennemi du peuple » ; sort inconnu.

 

[28] Oleksandr Korniytchouk (1905-1972) : dramaturge et activiste ukraino-soviétique, époux de la communiste polonaise Wanda Wasilewska ; représentant du réalisme socialiste dans l'art ; ministre des affaires étrangères de l'URSS entre février-juillet 1944.

[29] Demian Biedny (Yefim Pridvorov), (1883-1945) : poète soviétique, auteur de milliers de poèmes commentant la politique soviétique en cours.

 

[30] Vlas Tchoubar (1891-1939) : militant communiste ukrainien. A partir de juillet 1923, président du Conseil des commissaires du peuple de l'URSS ; il s'élève contre le national-communisme (notamment contre Oleksandr Choumsky, Mykola Khvylovy, Mykola Skrypnyk) ; il met en œuvre la politique d'industrialisation intensive de Staline mais s'oppose à l'accélération de la collectivisation. En 1934, il est démis de ses fonctions et déménage à Moscou ; en 1935, il est le premier Ukrainien à devenir membre du Politburo du Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique ; en 1937, il devient commissaire du peuple aux finances de l'URSS ; il est arrêté la même année et fusillé deux ans plus tard.

[31] Bruno Jasieński (1901-1939) : écrivain, principal représentant du futurisme polonais ; de 1926 à 1929 à Paris, puis en URSS ; en 1937 arrêté, condamné, puis fusillé.

[32] Panait Istrati (1884-1935) : écrivain roumain d’expression française.

[33] Henri Barbusse (1873-1935) : écrivain français, journaliste ; à partir de 1923, membre du Parti communiste français.

[34] Louis Aragon (1897-1982) : écrivain et poète ; membre du Parti communiste français depuis 1927 ; entre 1953 et 1972, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Les Lettres françaises.

 

[35] Ivan Mykytenko (1897-1937) : écrivain, activiste social ukrainien ; membre du groupe « Potoky Oktabrja » ; en 1927, il participe à la préparation du Congrès des écrivains prolétariens ; en 1937, arrêté et fusillé.

[36] Johannes Robert Becher (1891-1958) : poète, éditeur et homme politique allemand ; il adhère au parti communiste allemand en 1919.

[37] Béla Illés (1895-1974) : écrivain et journaliste communiste hongrois ; il a passé de nombreuses années en URSS.

[38] Antal Hidas (1899-1980) : écrivain hongrois, membre du parti communiste hongrois ; à Moscou de 1926 à 1936.

[39] Máté Zalka (1896-1937) : écrivain et révolutionnaire hongrois ; membre du parti communiste russe à partir de 1920 ; connu sous le nom du général Lukács pendant la guerre civile espagnole.

[40] Mykola Skrypnyk (1872-1933) : militant du parti et de l'Etat soviétiques ukrainiens ; cofondateur de la politique d'ukrainisation ; entre 1927 et 1933, commissaire du peuple à l'éducation ; il s'est suicidé.

[41] Leopold Averbakh (Yakov Sverdlov), (1903-1937) : écrivain soviétique russe.

[42] Ludwig Renn (1889-1979) : écrivain allemand communiste, membre des Brigades internationales en Espagne.

[43] Franz Carl Weiskopf (1900-1955) : écrivain tchécoslovaque de langue allemande ; après la Seconde Guerre mondiale, au service diplomatique de la Tchécoslovaquie.

[44] Mike Gold (1894 – 1967) : écrivain américain.

[45] Ernst Glaeser (1902-1963) : écrivain allemand de gauche.

[46] Giovanni Germanetto (1885-1959) : écrivain et militant politique italien ; membre du parti communiste italien à partir de 1921, arrêté à plusieurs reprises pour ses activités ; il a vécu en URSS de 1930 à 1946 ; il est rentré en Italie en 1946.

[47] Emi-Siao (Xiao), (1896-1983) : militant communiste chinois.

[48] Veste en cuir : un attribut des tchékistes et des communistes au début de la révolution [n.d.t.]

[49] Alexandre Fadeyev (1901-1956) : écrivain, critique littéraire russe ; président de l'Union des écrivains de l'URSS.

[50] Alexandre Bezymienski (1898-1973) : poète russe soviétique.

[51] Alexandre Serafimovitch (1863 - 1949) : écrivain russe soviétique ; organisateur (avec M. Gorki) de l'Union des écrivains d'URSS.

[52] Fiodor Panferov (1896 - 1960) : écrivain russe soviétique, représentant de la prose rurale.

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